Depuis Nikolski, Nicolas Dickner a décidément adopté la structure en parallèle de ses romans. Ce n’est pas désagréable, surtout que le fait de voir venir la conclusion ne gâche pas la lecture. Dickner incorpore des thèmes techniques avec délicatesse, ce qui ajoute au plaisir de lecture.
Les plus pointilleux remarqueront toutefois un petit détail qui cloche dans ce roman habituellement très précis : à la page 62, l’auteur fait participer un de ses personnages au concours Déroule le rebord de Tim Hortons en plein mois de juillet. Je ne sais pas si ça en dit plus sur le personnage, l’auteur ou sur moi…
Rob Daviau a mieux réussi son pari qu’avec la version Legacy du classique Risk. Alors que cette dernière offrait un jeu débalancé au cours des premières et dernières parties d’un jeu (de douze parties), Pandémie renouvelle le concept du jeu coopératif. Le sous-titre «saison 1» décrit bien le style narratif inspiré des séries télévisées de la dernière décennie. La proposition d’un jeu qu’on altère au fil des parties est très appropriée à un jeu coopératif et donne l’occasion de réfléchir à cette forme d’art.
(Justement, en jouant à Pandemic Legacy, le nom des villes du plateau revient fréquemment, ce qui a pour effet de pousser les joueurs à fredonner des chansons qui contiennent ces noms de villes. Évidemment, j’ai créé une liste de lecture de ces chansons, à laquelle mon ami Alexandre m’a recommandé d’ajouter Saint Petersburg de Brazilian Girls.)
Excellente ambiance, pour commencer, sur All Res. Percussions incroyables. Jeu de piano aux rythmes qui laissent croire à des effets électroniques (attaques à la fois relâchées et soutenues). Unspeakable World alterne majestueusement la tension des contretemps et des résolutions satisfaisantes.
L’instrumentation est généralement classique, mais Smarra se termine dans la distorsion et Protest commence avec une légère saturation. Trois remixes sont intégrés à la version offertes sur Apple Music; contrairement à la haute voltige des pièces originales, restreintes à l’instrumentation traditionnelle, ils n’offrent pas véritablement de valeur ajoutée.
Inutile de le nier : je suis un maniaque de questions. Je collectionne, d’ailleurs, certains artefacts qui témoigne du riche passé de questions de culture générale, les jeux de cartes de culture générale des ordre religieux québécois au début du 20e siècle. J’ai déjà mis en ligne une petite présentation de ces jeux de cartes ainsi que des numérisations de certains jeux Encyclopédie et des jeux de cartes Histoire du Québec des Clercs de Saint-Viateur.
Au début de l’année, grâce à mon ami et complice de questions Guillaume, j’ai mis la main sur un jeu de cartes Géographie du Canada des Clercs de Saint-Viateur et deux jeux de cartes Encyclopédie qui me manquaient.
On y trouve encore des commentaires éditoriaux comme :
Pourquoi y aurait-il avantage à conquérir de nouveaux marchés extérieurs?
Le nombre de nos clients et de nos fournisseurs et trop restreint : c’est un danger.
Et une curieuse erreur d’impression sur la carte 6A :
Quelles sont les 4 principales causes de décès au Canada?
Les maladies de coeur, le cancer,
Du sud-ouest au nord-est.
Voici donc, fidèle à mon habitude, un fichier PDF :
Je rappelle que, d’après ma compréhension de la Loi canadienne sur le droit d’auteur, ces oeuvres devraient se retrouver dans le domaine public.
Je vous souhaite une excellente lecture et vous invite, si vous aimez ce genre de questions de culture générale, à vous abonner à la Question du matin.
Une amie m’a partagé une autre version de la comptine «Dans un grand cimetière…», à propos de laquelle j’ai écrit en octobre dernier.
Dans un grand cimetière
Hi hi hi, Ha ha ha
Il y avait une sorcière
Hi hi hi, Ha ha ha
Très très grande et très très mince
Hi hi hi, Ha ha ha
Elle rencontre trois squelettes
Hi hi hi, Ha ha ha
Le premier porte une casquette
Hi hi hi, Ha ha ha
Le second mange une galette
Hi hi hi, Ha ha ha
Le troisième danse la claquette
Hi hi hi, Ha ha ha
Ils demandent à la sorcière
Hi hi hi, Ha ha ha
Que ferez-vous quand vous serez grande [?]
Hi hi hi, Ha ha ha
Je serai une sorcière
Hi hi hi, Ha ha ha
Dans un grand cimetière
Hi hi hi, Ha ha ha
S’agit-il d’une audacieuse construction postmoderne où la fin de la chanson devient le début de la chanson et où la protagoniste est à la fois jeune et vieille, permettant de mettre au jour une conception linéaire du temps et de la vie humaine?
Un recueil d’essais qui proposent le point de vue extérieur et extrêmement curieux de David Foster Wallace. On plonge chaque fois avec lui dans un univers décrit minutieusement, soulevant des questions originales et fascinantes. Deux de ces essais sont disponibles en ligne; je vous en recommande la lecture : le portrait de l’animateur John Ziegler (Host) et une dissertation sur le homard (Consider the Lobster).
David Bowie, Blackstar (2016)
Mon expérience avec Blackstar n’est probablement pas très différente de celle de bien des fans : j’attendais la sortie de l’album et l’ai téléchargé tôt le matin pour l’écouter dans le bus. Je l’ai réécouté le soir même avec un ami qui m’avait fait découvrir David Jones il y a une douzaine d’années, puis durant la fin de semaine avec un intérêt grandissant. Évidemment, c’est avec une autre oreille que je l’ai réécouté le lundi.
On ne peut plus évaluer Blackstar sans le dissocier d’un certain bilan de la carrière de Bowie. Selon moi, c’est un peu dommage vu l’immense qualité de l’album. Cependant, ce bilan nous rappelle à quel point l’oeuvre entière de Bowie est incomparable. Sur RREVERB, Benoit Bergeron propose une excellente rétrospective de ses 25 albums.
Shye Ben Tzur, Johnny Greenwood & The Rajasthan Express, Junun (2015)
En attendant un éventuel nouvel album de Radiohead, les fans jettent leur dévolu sur tout ce que font les cinq britanniques. Pendant que Thom Yorke poursuit ses expérimentations électroniques avec Atoms for Peace et Tomorrow’s Modern Boxes, Johnny Greenwood va s’amuser avec des musiques bien loin du rock qui a propulsé le quintette au sommet. Junun s’inscrit dans la foulée de son travail avec Steve Reich : dans les deux cas, la clé d’une collaboration réussie est la mesure. C’est une mission accomplie; la guitare de Grrenwood s’intègre avec goût à l’orchestre du Rajasthan Express.
Loin de moi l’idée de sous-entendre que Serge Gainsbourg était toujours compréhensible de son vivant, mais vous conviendrez avec moi que sa mémoire nous a laissé plus de questions que de réponses. Par exemple, d’où sortait-il son interprétation incroyablement erronée du droit criminel newyorkais selon laquelle un agent de la paix pouvait interpeller un passant en lui disant «You’re under arrest / ‘cause you’re the best»?
(Avouons-le, cet album entier pose beaucoup plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Définitivement pas recommandé comme première approche.)
Question plus importante : lorsqu’il vantait la «couleur café» de quelqu’un dans la chanson qui porte ce titre, à quoi faisait-il référence?
Or, voici un scoop pour Qui a besoin d’un titre en 2016? (il me faut vraiment un meilleur titre) : une source anonyme m’a partagé un document interne de Tim Hortons intitulé Identification Appropriée de la Couleur du Café.
Enfin, ce document nous permet d’opérationnaliser la «couleur café». On ne sait pas exactement à quoi Gainsbourg faisait référence, mais on restreint ses choix à moins d’une dizaine.
Ce document soulève lui aussi beaucoup de questions : a-t-il été produit pour résoudre un problème de cafés non-identifiés? Y a-t-il des gens qui commandent des cafés avec du lait ou de la crème mais sans sucre? La consommation de café «Quatre crèmes, quatre sucres» entraîne-t-elle une un inscription obligatoire dans un registre de la santé publique?
«Couleur café», c’est imprécis, mais ça sonne quand même mieux que «couleur 4 x 4».