↬ En studio
2015-02-19(Merci à Guillaume Turgeon pour cette photo)
Quand je joue de la basse avec les gars d’Echoes from Jupiter (post-rock bio, artisanal et sans gluten de Québec), il n’est pas rare qu’un d’entre nous (transparence totale : c’est généralement moi) s’exclame «réalisez-vous qu’en tant que musiciens amateurs, nous avons accès à une technologie d’enregistrement qui aurait laissé les Beatles bouches bées?»
Je ne dis pas ça pour montrer que je suis un nerd de tout ce qui est Beatles : je trouve vraiment cela incroyable que nous puissions utiliser des ordinateurs simples pour créer des enregistrements multipistes aussi complexes. J’en ai brièvement parlé quand j’ai écrit sur un de nos concerts (que nous avons enregistré avec trois iPhones), mais permettez-moi d’élaborer sur ce que nous avons fait depuis ce spectacle.
En gros, nous avons composé et testé en concert quelques nouvelles chansons. Comme vous savez peut-être, «chansons» n’est pas exactement approprié pour ce que nous faisons. Nous ne travaillons pas avec des paroles, ni avec des couplets et des refrains. Nous nous fions à nos notes et nos mémoires pour la structure de nos mouvements.
La meilleure façon que nous avons trouvée est d’enregistrer à peu près la moitié de tout ce que nous faisons en répétitions pour pouvoir tout écouter à la maison. D’ailleurs, même si j’écouterais volontiers presque n’importe quel enregistrement oublié en studio de mes artistes préférés, je ne souhaite à personne une écoute exhaustive de ces enregistrements longs et de faible qualité!
Après ces répétitions, nous nous sommes entendus sur des structures pour chaque pièce, avec des progressions d’accords, des arrangements et des tempi (pour certaines pièces, nous avons essayé plusieurs variations à plus ou moins 5 BPM). Ces décisions ont été consignées officiellement sous la forme de guides audios enregistrés avec des micros abordables et une interface de son semi-professionnelle.
Avant de poursuivre, il me faut dire que Steve n’est pas seulement vraiment bon avec Logic Pro, mais il est aussi très motivé quand il travaille sur notre matériel. Il a donc pris ces guides et les a poli en y ajoutant des métronomes et des signaux pour que nous puissions nous retrouver quand nous allions enregistrer les vraies pistes.
Nous avons la chance de pouvoir compter sur un ami de Steve, le producteur Dave Boisvert, pour nous aider à enregistrer l’album dans son superbe studio maison. Mathieu a été le premier à y aller : il n’a eu besoin que de deux soirées pour enregistrer chaque son de batterie qui allait être sur l’album.
Avec un aussi bonne base, j’ai moi aussi pris deux soirées à enregistrer mes pistes de basse. En tant que musicien amateur, je crois qu’il s’agissait d’un des moments les plus stressants (en excluant les concerts) de ma «carrière» : avoir à jouer parfaitement des pistes que j’ai moi-même composées devant les gars en sachant que chaque erreur nous prendrait du temps à réenregistrer et à corriger. Ça et la honte de ne pas avoir assez pratiqué à la maison. En tous cas, je crois que ça a bien été.
Je ne veux absolument pas laisser entendre qu’enregistrer une batterie est facile, mais après ma guitare basse (assez facile, vu que je n’utilise qu’un préampli branché directement dans la console), l’enregistrement de la guitare de Mathieu était un petit défi. Il utilise beaucoup d’effets et se fie sur les sons naturels de son ampli, ce qui implique que le processus nécessite plus de soins afin d’isoler les sons des humains dans la pièce (pas bons) et ceux qui sortent de son ampli (bons).
J’écris ces mots en écoutant quelque chose de très spécial : une première ébauche très, très brouillonne des enregistrements de basse et de batterie en studio (avec certaines pistes de guitare). En voici, exclusivement pour vos oreilles, un petit extrait :
Entendre dans cet état embryonnaire ces pièces que nous avons passé des mois à jouer, composer, modifier, réorganiser et ajuster est rafraîchissant et particulier. Je ne peux m’empêcher d’y ajouter, dans ma tête, les pistes de Steve et de Mathieu, mais je suis quand même poussé à revenir à la base de ces chansons : leur structure, leurs accords qui changent légèrement tout au long et les fameux rythmes de percussions que Mathieu a modifié pendant des semaines.
On dirait que nous allons y arriver, après tout. On dirait que cinq ans, finalement, c’était le temps qu’il nous fallait.
Nous avons décidé de l’appeler Kosmonavt.
Le problème avec le post-rock est que, pour la plupart des gens, c’est un goût acquis. Je ne vais pas vous rabattre les oreilles avec «ce qui ne passe pas à la radio», mais il y a quand même un fond de vérité.
Quand nous avons lancé Europa, en 2010, nous ne savions pas qui allait l’aimer. Nous avons été ambitieux en termes de promotion, de temps (l’album fait plus d’une heure) et de concept (les titres des chansons racontent une histoire complexe). Nous avons essayé de faire entendre l’album aux médias qui s’intéressent à la musique indépendante et au post-rock. La scène indépendante du Québec nous a beaucoup encouragé (quelqu’un dans un magasin indépendant a décidé de faire jouer l’album en boutique, ce qui a poussé une critique du Devoir à en écrire une critique).
Nous avons vendu Europa sur iTunes et dans d’autres boutiques en ligne, mais une des choses qui, selon moi, a eu le plus d’impact est que nous l’avons piraté nous-même : dès que nous avons vu, sur un forum, quelqu’un qui cherchait un torrent d’Europa, nous l’avons mis en ligne et partagé. De toutes façons, croyions-nous, nous ne pouvions le vendre dans le monde entier, alors aussi bien le faire entendre partout!
Autrefois très populaire, le service en ligne Last.fm a encore une fonction très intéressante appelée Scrobbling : avec l’aide d’un plugiciel, il détecte ce que ses utilisateurs écoutent (même avec une autre application) et le partage en ligne. Comme vous pouvez le voir sur notre page d’artiste, des gens de partout dans le monde ont écouté Europa. Voir des Allemands et des Russes apprécier notre oeuvre est très excitant; c’est, en soi, un succès.
Notre portefeuille commun n’est pas d’accord, toutefois : nous n’avons pas vendu beaucoup d’exemplaires d’Europa. Ce n’est pas très grave, puisque nous avons tous de bons emplois, mais ça nous pousse à poser une question : comment devrait-on vendre notre prochain album? Devrions-nous en faire imprimer des CD?
Pour Kosmonavt, nous avons décidé d’essayer quelque chose de nouveau : nous ne savons pas combien de gens voudront en acheter une copie et quel format ces gens préfèreront. Imprimer des CD n’est pas une petite dépense que nous voulons faire à la légère. Nous sommes donc de notre temps et essayons de le sociofinancer par le biais d’IndiegGogo.
La campagne de financement commence aujourd’hui. Si vous avez lu cet article jusqu’à la fin, je vous invite à aller jeter un coup d’oeil à notre page de financement, à partager ce lien et à nous aider à réaliser notre nouvel album!